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A La Roque-d’Anthéron, l’époustouflant Chopin du jeune pianiste japonais Masaya Kamei

La consécration. Le dimanche 21 juillet marquait un baptême du feu pour Masaya Kamei, qui se produisait pour la première fois sur la scène maîtresse du Festival international de piano de La Roque-d’Anthéron (Bouches-du-Rhône). La saison précédente, le pianiste japonais, qui n’est pas un parfait inconnu en France, où il a remporté en 2022, à Paris, le concours Long-Thibaud-Crespin, était encore dans l’antichambre des concerts de 18 heures au parc du château de Florans. Sobrement vêtu de noir, cheveux tombant devant les yeux, le mince jeune homme de 22 ans − il est né le 20 décembre 2001 à Aichi, non loin de Nagoya − s’est assis devant le clavier du Steinway, au creux de l’Orchestre philharmonique de Marseille, que dirige l’Américain Lawrence Foster, 82 ans.
Six décennies séparent les deux hommes, mais leur entente est palpable dès la fin de la longue introduction orchestrale qui ouvre le Concerto pour piano n° 1 en mi mineur, op. 11, de Chopin. Une œuvre reine, à la fois acte d’amour et combat. Foster lui a donné d’emblée le ton et l’aura dramatique d’un grand concerto romantique. Masaya Kamei s’y installe avec une autorité naturelle, sans esbroufe. Le jeu est d’une fluidité, d’une élégance et d’une puissance qui forcent l’admiration. Tension dynamique sans rudesse, souci du détail sans préciosité, usage du rubato sans ostentation : Kamei possède ce sens du phrasé qui donne à la musique des allures d’improvisation. Sous les doigts ailés du pianiste et la baguette amicale du maestro, l’allegro maestoso file bon train, virtuose dans la conception, chambriste dans l’esprit. Du grand art.
Le public retient son souffle pour la « Romance » que Masaya Kamei prend comme un nocturne. Un mot passe en boucle entre les notes : poésie. On a remarqué depuis le début les grandes chaussures noires du pianiste, des richelieus manifestement bien au-dessus de sa pointure, dont les pliures relevées au tiers de la longueur jonglent alternativement avec les pédales du piano, souliers « à queue » qui donnent au musicien des allures d’organiste dandy. Posée après le concert, la question le fera sourire malicieusement, tout comme son mentor, la pianiste Momo Kodama – mais elle restera sans réponse, tous deux gardant le secret de ces babouches de la démesure.
Le mystère du « Larghetto » s’est peu à peu effacé dans le silence, laissant place à un vivifiant et fantasque « Rondo » final. Deux injonctions de l’orchestre et voilà le thème qui danse au clavier, s’enivrant de sa propre énergie. Masaya Kamei s’y révèle racé prestidigitateur, éblouissant de couleurs, de nuances, de tactiques de jeu, faisant néanmoins passer sous l’apparence primesautière du rebond la pesée fugitive de pensées plus graves. Acclamé, le jeune homme conclura en bis avec la Mazurka n° 11 en mi mineur, op. 17 n° 2, ramenant Chopin aux rivages de la poésie pure.
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