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« America first », mission accomplie ?

Dans toute campagne électorale, il est une entreprise qui focalise l’attention. En 2024, c’est US Steel, lointain héritier de l’empire de Carnegie et J.P. Morgan, fondé en Pennsylvanie au tournant du XXe siècle. L’entreprise était bien moribonde, et Nippon Steel se proposait de racheter l’aciériste pour 14 milliards de dollars (12,9 milliards d’euros) et d’investir massivement sur le sol américain.
Las, Donald Trump n’en veut pas, « America first » oblige. Joe Biden et Kamala Harris lui ont emboîté le pas. « US Steel, entreprise américaine emblématique depuis plus d’un siècle, va rester une entreprise américaine », a promis le président des Etats-Unis, début septembre, à Pittsburgh (Pennsylvanie), lors du Labor Day, tandis que la candidate démocrate poursuivait : « Je ne pourrais pas être plus en accord avec le président Biden. US Steel doit rester une entreprise détenue et exploitée par des Américains. Je soutiendrai toujours les ouvriers sidérurgistes américains. »
Ces déclarations vont à l’encontre de tous les objectifs proclamés par l’administration Biden, qui prétend ne pas contrer ses alliés ni pénaliser l’investissement et l’emploi aux Etats-Unis. Mais, en pleine campagne électorale, le duo Biden-Harris a besoin des syndicats, ardemment opposés à cette fusion. « Le syndicat des sidérurgistes est plus soucieux d’obtenir des victoires visibles et de maintenir les avantages élevés des quelques travailleurs restants que de la viabilité de l’entreprise ou de la croissance de l’emploi », tranche Adam Posen, patron du think tank transatlantique Peterson Institute for International Economics, basé à Washington, qui décrypte pour Le Monde les transformations de l’Amérique. La victoire est peut-être à ce prix en Pennsylvanie, Etat bascule le plus crucial pour l’emporter.
Par prudence, le Comité pour l’investissement étranger aux Etats-Unis (CFIUS), qui devait examiner le dossier, a décidé de reporter sa décision. Celle-ci interviendra « au-delà des élections de novembre », s’est réjoui Nick Klein, un des avocats du CFIUS, auprès de Reuters. Il n’empêche, l’administration Biden a scellé ce qu’avait engagé Donald Trump, le repli sur soi des Américains.
Le virage stratégique a été théorisé dans le discours sans doute le plus important du mandat de Joe Biden, celui de son conseiller à la sécurité nationale, Jake Sullivan, prononcé le 27 avril 2023 devant la Brookings Institution. En présentant son « nouveau consensus de Washington », M. Sullivan actait la disparition de celui des années 1990, fait d’accords de libre-échange et de répartition des chaînes de production sur la planète.
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